lundi 20 août 2007

La perte de sens, la technique pour elle-même

La perte de sens, la technique pour elle-même.

La technique n’a pas pour vocation d’interpréter le monde, elle est là pour le transformer, sa vocation est pratique et non théorique. Toute pratique est la mise en œuvre d’une intentionnalité qui soumet le champ de l'action à des fins, toute pratique est soumise à une certaine utilité, mais le problème est la question de cette fin et la valeur de cette utilité. C’est toujours la question « Que dois-je faire ? » au sens kantien qui devrait être première. Mais ce n’est plus souvent le cas aujourd’hui.
Quand le pouvoir s’accroît démesurément, il demande un contrôle de plus en plus important. Renoncer à contrôler une puissance, c’est comme confier des explosifs aux caprices arbitraires d’un enfant. Le pouvoir peut fort bien se retourner contre nous et devenir destructeur autant qu’il peut-être créateur d’un confort. Mais en réalité, l’esprit scientifique a constamment affaire à l’esprit technicien. L’esprit technicien vise à l’exploitation des résultats de la science. Il se demande ce que l’on peut tirer de telle ou telle connaissance comme application pratique et il déploie toute son ingéniosité pour convertir un savoir en pouvoir. Il n’a pas nécessairement de visée de la finalité humaine au delà de son champ d’activité. Il est par nature spécialisé dans un domaine donné, où il déploie sa compétence, il n’est pas formé pour une vue générale ou universelle. Quand nous allons chercher un technicien, c’est pour résoudre un problème technique qui ressort de sa compétence, ce n’est pas pour l’interroger sur des visées globales de l’action.

À ce point plusieurs dangers naissent de cette puissance de la technique. Un danger certain est la subordination de celle-ci au capitalisme et au profit comme seule fin visée. On exploite la technique pour produire des biens et vendre des articles que nous n’avons pas de besoin. On élabore des machines qui produisent des biens superflus. Dans un monde tel que le nôtre, ce qui prime, ce sont souvent les considérations économiques, c’est l’esprit de l’économie qui oriente les décisions, y compris les décisions politiques. L’économie raisonne en terme de production de richesses, de production de bien, d’accroissement du PNB. Elle exige de la technique une inventivité constante, une augmentation de productivité constante, un développement de nouveaux marchés consacrés à de nouveaux objets techniques.

Comme le dit Michel Henry, la technique semble proliférer d'elle-même, comme se développent les cellules du cancer, bien au-delà de l'utilité à laquelle elle devait jadis répondre.

Avec la domination de l’homme sur la nature, nous voyons le monde à travers la télévision, nous voyageons sur des routes asphaltés dans des voitures, nous massacrons les autres espèces que nous ne côtoyons pas, nous vivons des sensations fortes en restant assit chez-nous, nous jugeons des gens à travers Internet et la télévision sans les rencontrer, nous nous émerveillons pour des gadgets, nous discutons pendants des heures d’objets matériels, nous désirons des objets n’ayant aucune utilité pour notre survie, etc.

L’un des plus grands dangers, demeure sans doute la venue au monde de l’homo-faber. L’homme travaille pour la technique, dans des usines, avec des machines. Il ne connaît rien des étapes de la production. Il demeure à son poste au sein d’une collectivité de travailleurs qui ne connaissent pas l’ensemble du processus. Lorsque la « job » est finie, on parle de problème technique, du moteur qui a sauté, de la nécessité de nous acheter tel ou tel truc, des problèmes de coûts et de production. Les hommes interposent entre eux la technique et ses objets et perçoivent le monde comme tel. Il parle au téléphone. Se voient comme des objets qu’ils peuvent modifier. Peut-être ont-ils dominés la nature, mais peut-être sont-ils à leur tour dominés. Par la mise en place du capitalisme, l’homme devient lui aussi un objet produit. On l’évalue en terme de rentabilité, de rendement, on le remplace facilement, etc. On le comprend comme une marchandise, un objet. Les nazis étaient dans cette logique. Il faisait de l’homme une chose; le juif devenait un produit naturel faible qu’on éliminait dans une industrie de la mort, à l’intérieur d’une véritable chaîne de production ou un homme conduit le train, l’autre transporte le gaz mortel; un vérifie les conduits pour le gaz, l’autre ramasse les cadavres dans la chambre ; un rempli les dossiers des déportés, l’autre pèse sur le bouton, etc, et la chaîne est immense.

« N’importe quelle hypothèse, si elle est logiquement poursuivie dans le cours d’une application cohérente, produit des faits objectifs. La rationalité téléologique, changeant immédiatement tout but atteint en moyen d’une fin nouvelle, à absorbé la rationalité, la détermination elle-même des fins : le catégorique a sombré dans les stratégies de l’hypothétique ». Hannah Arendt.

Cette lecture d’Arendt suggère que l’empire de la technique est parvenu à se viser elle-même comme fin. Produisons pour produire, si cela est techniquement possible, continuons. Il n’est donc plus question de contemplation, d’amour du savoir, de recherche de la vérité scientifique ou autre, la théorie est récusée pour laisser place au faire. Mais ce qui est surtout dangereux, c’est l’absence de détermination des fins; l’absence de l’éthique, car un le danger de cette production est le travail de domination sur l’homme lui-même.

Cela a rendu possible la naissance du totalitarisme qui a hanté le 20 siècle :

« Le totalitarisme comme résultat de l’application par l’homme du point d’Archimède à l’homme lui-même (il est maintenant la mesure du monde) et a ce qu’il fait sur terre, a pour conséquence qu’observé d’un point de l’univers suffisamment éloigné, toutes ses activités n’apparaissent pas comme des activités de telle ou telle sortes, mais comme des processus, ou encore comme des comportements objectifs (instrumentalisation de l’homme lui-même), que nous pourrions étudier avec les mêmes méthodes que celles utilisées pour l’étude du comportement des rats. De l’art de faire la nature, qui fait l’orgueil de la science naturelle moderne, on passerait ainsi, par une dérivation peut être fatale, à l’art de faire la nature humaine. Autrement dit : « L’hypothèse totalitaire est celle de l’absence de stabilité de la nature humaine, celle de la possibilité de changer la nature humaine ». Serge Cantin, Le philosophe et le dénie du politique.

Cela crée un paradoxe entre l’homme comme sujet (libre) et l’homme comme objet (naturel).

Et regardez bien ce qu’Hitler écrit dans son livre mon combat :
“L’homme ne doit jamais tomber dans l’erreur de croire qu’il est le maître et seigneur de la nature. Il sentira dès lors que dans un monde où les planètes et les soleils suivent des trajectoires circulaires, ou des lunes tournent autour des planètes, où la force règne partout et seule en maîtresse de la faiblesse qu’elle contraint à la servir docilement ou qu’elle brise, l’homme ne peut pas relever de lois spéciales (ici, le libre arbitre) ».

Autrement dit, l’homme doit se situer lui aussi dans l’univers tel que décrit par la science. Or comme nous l’avons vu, celle-ci est une entreprise de domination. Il doit être soumis aux forces de la nature. Il ne saurait y avoir de séparation entre liberté et nature, puisque l’homme se découvre lui-même comme un processus naturel. « L’homme est un objet de notre pouvoir. Pourquoi devrions-nous maintenir la liberté et la dualité de l’homme et de la nature? Nous y découvrons que des forces, des processus sans valeur. Appliquons donc à l’homme cela, transformons-le à notre gré. Et puisqu’il n’y a pas de valeur, de quoi devrait on être responsable. Voyez-vous une dignité dans la nature : Non »!

Résultat : 100 millions de morts, mobilisation technologique militaire globale, la bombe atomique. etc. Mais le progrès de la science c’est aussi l’élévation du nombre de la population, l’exploitation des ressources, les communications, les manipulations génétiques (aidées grandement par les expériences des médecins nazis sur les Juifs).

L'essor de la technique et l'aliénation moderne

Hans Jonas
Le principe responsabilité


L’essor de la technique et le problème de l’aliénation moderne.


Ce qu’il faut voir avant d’entamer directement la théorie du « principe responsabilité » de Hans Jonas , c’est le contexte dans lequel s’inscrit celle-ci. Ce dernier nous demande de considérer l’histoire « entière » de la civilisation occidentale afin d’apercevoir quelque chose de bien précis et d’une ampleur qui aujourd’hui nous dépasse tous, à savoir que l’essence de l’agir humain s’est transformée. Autrement dit, notre pouvoir d’action, à nous, aujourd’hui même, n’est plus du tout celui des anciens, c’est-à-dire des Grecs et des chrétiens. Cette modification regarde particulièrement, et de façon fondamentale, le pouvoir, le vouloir et le savoir de l’homme.

Pour commencer, essayons de voir le monde vécu des anciens.

La nature pour l’homme antique est invulnérable, immuable. La nature et l’homme font parti d’un ordre cosmique inviolable qui a un cycle bien défini. Aristote, par exemple, croit que les essences sont éternelles. L’essence de l’homme pour ce dernier est sa rationalité. Or, les individus meurent, mais la rationalité, elle ne peut mourir. Autrement dit, il y aura toujours des hommes rationnels. Il en est de même pour toutes les essences. Toutes les espèces et les genres possèdent leurs essences. Les choses ont leurs valeurs en soi. La nature, ce qu’on appelle l’être (ce qui fait que les êtres sont) est de tout temps et ne serait ne pas être. C’est si vrai, que les anciens pensent que la Terre est au centre de l’univers et que les astres (qui sont des corps ronds parfaits), tournent et tourneront éternellement autour. Donc, il est impossible que la Terre et les astres (la nature) ne soient plus. C’est un monde clôt, fini qui n’admet pas la notion de possibilité du rien en son sein. Il est réel et éternel : impossible qu’il ne soit plus. L’homme antique ne saurait donc changer la nature des choses. (Il n’y a pas l’idée de l’évolution chez les anciens; il faut attendre le 17 siècle pour que celle-ci commence à émerger). Le pouvoir d’action de l’homme est très limité. Ses capacités techniques et son agir représentent un faible tribut. La nature s’imposant d’elle-même, les Grecs ne développent pas d’éthique par rapport aux choses (on ne se soucie pas de la survie des animaux ou de la forêt). Bien au contraire, on se soucie de se protéger d’eux. L’éthique s’élabore donc dans le commerce de l’homme avec lui-même. Elle ne regarde que la cité humaine. Mais là, c’est plus qu’autrement le sens commun qui fixe la règle parce que l’acteur et l’autre partagent un présent commun. Ils sont dans un rapport de proximité. L’univers moral se limite à la vie présente et les règles de l’action sont quasi toujours préétablies. Le savoir de l’action morale, c’est la tradition morale qui le donne. Aucunement besoin d’experts pour dire au monde quoi faire en tel domaine. Il n’y a pas de théorisation morale. Tous les hommes savent quoi faire ici et maintenant. Ils vivent de manière plus immédiate pourrait-on dire. En fait, dans la Grèce antique le terme individu n’existe pas. La tradition et les mœurs sont si présentes que rien n’amène un individu à se différencier. Il n’y a pas de sujet, le corps fait un tout. (Il n’en est cependant plus ainsi à partir du quatrième siècle avant Jésus-Christ).

On peut dire que le Moyen-Âge chrétien au niveau de la relation avec la nature va demeurer similaire. Le penseur illustre de la chrétienté : Saint-Thomas d'Aquin va poursuivre et maintenir la théorie aristotélicienne des essences et des formes éternelles. La différence est bien sûr qu’il va théoriser tout cela à la lumière de la révélation. Il faut cependant voir qu’une chose change particulièrement. La nature est plus dépréciée par la chrétienté. C’est le monde du devenir, changeant, multiple. C’est le monde des passions, de la sensibilité, de la souffrance. Le corps est plus déprécié et l’esprit est primordial. On retrouve ces idées aussi chez les Grecs d’après le quatrième siècle, mais là elles s’universalisent. Cette valeur négative de la nature va persister après le moyen âge.

Ce qui va sonner le coup de grâce de la modernité et qui va rendre possible la théorie de Hans Jonas, c’est la révolution copernicienne et galiléenne. Pourquoi? Copernic, pour des raisons mathématiques va se voir contraint de positionner le Soleil au centre de l’univers et déloger la Terre de sa position (centre de l’univers). Cela fera du bruit, mais, le coup fatal, c’est Galilée qui, levant sa lunette (premier télescope) vers le ciel, sonne la mort de vérités vieilles de milliers d’années. Qu’est-ce que Galilée dit à l’humanité : vos sens sont trompeurs. Vous humains vos yeux vous ont trompés? Je vous ai dit que le Grec voit le Soleil se lever. La vérité est t’elle : le Soleil se lève et se couche. Le ciel est bleu; le ciel est bleu. Pourquoi ? Parce qu’il y a adéquation de celui qui voit et de ce qui est vu, du sujet et de l’objet et cette adéquation s’inscrit dans un télos, dans un sens de l’être et de la nature au sein duquel habite l’homme. Or le sens commun (le monde commun et ses vérités) est basé sur cette vision. (La Terre est au centre de l’univers) La lunette de Galilée signe la mort du sens commun. Là, il y aura un fort bouillonnement des idées. Il y a la découverte de l’Amérique, l’univers clos va s’agrandir à l’infini, etc. Cela ébranle tellement les vérités ancestrales qu’advient l’hérésie. On brûle les penseurs qui contredisent la révélation, etc. Deux choses importantes adviennent alors: le sujet et l’objectivation de la nature : son instrumentalisation. La lunette (premier télescope) de Galilée est un symbole du pouvoir de l’instrument. On dénote souvent ce moment comme l’aliénation de l’homme par apport au monde. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a plus adéquation entre la nature et l’homme. Nous ne croyons plus ce que nous livrent les sens. René Descartes va thématiser l’homme comme un sujet pensant (une âme) devant la chose étendue (le monde). L’homme s’abstrait du monde, ce qui nous conduit à pouvoir nous représenter le monde comme un objet. Descartes va trouver les seules vérités possibles dans les abstractions logicomathématiques se trouvant dans le sujet. Descartes libère la nature de toutes finalités, du télos. Il faut maintenant l’investir mathématiquement, logiquement et surtout l’instrumentaliser. C’est-à-dire la soumettre à nos mesures, à nos instruments, à notre raison. Il faut l’objectiver. La nature n’est plus une entité vivante portant en son sein un sens, c’est maintenant un objet. Or un point crucial de cette révolution c’est qu’elle tend à dominer la nature, à en faire une chose que l’on peut manipuler. « Devenir seigneurs et maîtres de la nature » disait Descartes. Nous perdons un rapport au monde premier, celui de notre apparition au sein de la nature, et non pas un rapport de domination ou nous nous situons devant elle pour la soumettre. De même, nous ne la comprenons plus comme vie, mais comme matière. Cela sera très fertile (microscope, Newton, communication, science en générale, progrès de la médecine, mieux-vivre). Mais, en tout cela, nous objectivons la nature. Nous observons des faits sans valeurs. Nous la neutralisons. Il est très important de voir que la nature ici ne touche pas juste l’environnement, les animaux, mais aussi nous-mêmes en tant que corps sensibles, naturels.

Déjà là, nous voyons Kant arriver : il y a une séparation entre la liberté et la nature, entre le sujet et l’objet, entre l’esprit et le corps. Cela était déjà présent dans la chrétienté. La nature n’a plus de valeur en soi, elle n’a plus de devoir être. L’homme et le monde ont perdu leur sens premier (la chrétienté est ébranlée par la révolution scientifique) Elle est stérilisée, mais l’homme aussi devient un objet stérilisé. Il est soumis à la science. C’est la naissance de l’anthropologie, de la psychologie. L’homme devient aussi un ensemble de fait sans valeur. L’homme devient comme la nature un processus. On y découvre des lois de la nature. On découvre qu’il a une histoire objective, qu’il est lui-même un processus évolutif. On le comprend comme une chose.

Grâce à l’instrumentalisation, l’homme domine toute la nature et il l’a maîtrise. Il développe des technologies, des connaissances, son pouvoir d’action est de plus en plus grand, mais en même temps, puisqu’il objective tout, il devient de plus en plus étrangé à lui-même et au monde, car tous deux ne sont pas des choses. Il ne vit plus dans une relation de proximité avec ses semblables, il n’a plus de sens commun. Avant la révolution copernicienne, les hommes partagent davantage une communauté de sens axé sur la révélation divine et sur les vérités sensibles. Mais maintenant, la religion chavire et les vérités ancestrales, données par les sens, s’effacent. L’homme s’aliène. Les hommes ne savent plus ce qu’est le devoir être. Il faut voir que cela se voit dans les révolutions politiques et chez les penseurs politiques du XVI siècle. On essaie de trouver des systèmes éthiques et politiques pour permettre aux hommes de bien vivre ensemble, car la religion ne tient plus et plusieurs guerres religieuses bouleversent l’humanité. Il y a la naissance de la société contractuelle qui relève alors de la perte du sens commun : les hommes doivent passer des accords et des contacts formels (instrumentalisation politique) parce qu’ils ne savent plus comment vivre ensemble, parce qu’aucune vérité ne peut les rapprocher. Ils n’ont plus de valeurs communes.
Ils n’ont plus d’éthique certaine. La preuve, c’est que vous avez un cours d’éthique. Ils ne savent plus vraiment comment agir, ni dans quel but. Et l’un des problèmes de cette situation, qui est plus que jamais la nôtre, c’est la puissance de notre pouvoir technique. Notre domination de la nature héritée de cette perte du monde ancestral.

Aujourd’hui, notre puissance technique dépasse notre connaissance scientifique exacte. Quand on a utilisé les électrochocs pour soigner certaines pathologies mentales, c’était sans savoir exactement quels était les effets sur le cerveau, avec pour seule caution quelques résultats. Les médicaments allopathiques ont eux-mêmes cette ambiguïté. On constate après des essais sur les animaux qu’ils ont des effets néfastes. Cela ce produit tous les jours sur les hommes, surtout dans l’Afrique pauvre, véritable laboratoire de sciences expérimentales de l’industrie pharmacologique.

Utilitarisme

La morale utilitariste

« Les gens ont tous droit au bonheur »


John Stuart Mill (1806 – 1873) et Jeremy Bentham (1748 – 1832) sont les deux grands représentant de la philosophie morale que l’on nomme l’utilitarisme.

Utilitarisme parce que, selon eux, ce qui est utile est ce qui contribue au bonheur. Pour eux les actions humaines devront être jugées en fonction des conséquences qu’elles ont sur le bonheur du plus grand nombre. Non pas le bonheur individuel, mais celui de l’ensemble des individus.

Cette philosophie morale a pour fondement le plaisir et la douleur.

« La nature a placé l’homme sous l’empire du plaisir et de la douleur. Nous leur devons toutes nos idées ; nous leur rapportons tous nos jugement, toutes les déterminations de notre vie. Celui qui prétend se soustraire à cet assujettissement ne sait ce qu’il dit ; il a pour unique objet de chercher le plaisir, d’éviter le douleur, dans le moment même ou il se refuse aux plus grand plaisirs, et ou il embrasse les plus vives douleurs. Ces sentiments éternels et irrésistibles doivent être la grande étude du moraliste et du législateur le principe de l’utilité subordonne tout à ces deux mobiles ».

« Principes de législation », Œuvres, p.9

Tout chez l’homme est ainsi subordonné au plaisir et à la douleur. Ce qui apporte du plaisir est utile parce qu’il contribue au bonheur. Le plaisir est donc le fondement de la morale pour les utilitaristes. Ce qu’il faut bien voir, c’est que cette doctrine repose sur un précepte, à savoir que tous les individus ressentent chaque plaisir ou chaque douleur de la même façon.

Une question se pose alors : Comment évaluer les plaisirs et les comparer ?

Bentham propose une arithmétique des plaisirs selon certains critères.

1- Sa durée
2- Son intensité
3- Sa certitude (la probabilité de sa réalisation)
4- Sa proximité (le moment où il aura lieu)
5- Sa fécondité (la quantité de plaisir qu’il peut entraîner)
6- Sa pureté (le moins de douleur possible)

Mill croit aussi que le bonheur est la seule fin désirable. Cependant, il n’admet pas exclusivement les critères de Bentham. Ils sont strictement de l’ordre du quantitatif. Pour Mill, il manque un critère important : la qualité. La qualité regarde les plaisirs liés aux facultés supérieures de l’homme : l’intelligence et les arts. Il ne s’agit pas juste de réaliser les plaisirs liés aux besoins primaires, naturels et nécessaires : les besoins animaux. Le seul critère qui justifie cela selon Mill est que ceux qui ont connu les deux formes de plaisir admettent que les plaisirs des facultés supérieures sont supérieurs.

On ne peut se baser sur le jugement de ceux qui ne réalisent que les plaisirs sensuels. Il y a donc des plaisirs plus nobles que d’autres, qui ont plus de valeurs.

« Il vaut mieux être un homme insatisfait (…) qu’un porc satisfait; il vaut mieux être Socrate insatisfait qu’un imbécile satisfait. Et si l’imbécile ou le porc sont d’un avis différent, c’est qu’ils ne connaissent qu’un côté de la question : le leur. L’autre partie, pour faire la comparaison, connaît les deux côtés. »

L’utilitarisme, p.54


Les plaisirs augmentent le bonheur, mais un critère est très important dans la morale de Bentham et de Mill; il faut toujours voir au bonheur du plus grand nombre. Il faut tendre à l’impartialité.

Pour évaluer un plaisir, un critère est décisif : son étendue, c’est-à-dire le nombre de personnes qui sont concernées par lui. Ce critère est important pour juger ou vérifier si une action est conforme au principe d’utilité : il faut que l’action tende à augmenter le bonheur de la collectivité et non l’inverse.

La finalité de l’éthique est le bonheur du plus grand nombre.

C’est donc dire que l’évaluation morale est liée aux conséquences que les actions entraînent autant sur l’agent moral que sur les autres qui subiront l’action.

Il faut donc considérer les conséquences de l’action.

L’individu doit donc calculer, devant un dilemme éthique, quel choix aura les meilleures conséquences quant au bonheur, quant à son utilité.

Le sacrifice est alors légitime, même s’il s’accompagne de souffrance, en autant qu’il augmente le bonheur du plus grands nombre.

Les animaux :

Pour Mill, puisque les animaux sont des êtres qui ressentent le plaisir et la douleur, il faut alors les considérer dans notre évaluation.

NB : On voit ici la différence essentielle d’avec la morale de Kant. Kant base sa morale sur la raison. Les animaux sont alors exclus. Les utilitaristes eux sont tributaires de l’empirisme anglais. Il considère davantage la raison comme une machine à calculer, déduite de la sensibilité. L’essentiel c’est la souffrance et non exclusivement la raison.

Donc, la moralité d’une action s’évalue qu’en fonction des conséquences. Si une action à des conséquences positives pour les autres, même si l’intention de l’individu est égoïste, l’action peut être moralement bonne. L’utilitarisme s’occupe moins des intentions de l’agent que des conséquences de l’acte. Il faut calculer les avantages et les désavantages de nos actes, mais même si cela n’est pas fait, l’action peut être jugé comme moralement bonne.

Ex : Imaginons un homme qui est toujours en discorde avec un voisin pour une raison x. Un jour, sa colère envers lui est à son sommet et l’homme inflige un coup violent au voisin et le tue. La police arrive et fait son enquête. Cet homme a tué un dangereux criminel qui s’apprêtait à faire exploser un édifice où travaillent plusieurs individus. Conséquence de l’acte : un plus grand bonheur pour un grand nombre de gens !

Les utilitaristes diraient que l’action n’est pas digne d’éloge, mais qu’elle a été bonne pour la communauté.

Ce point représente une difficulté de l’utilitarisme, mais ce que l’on peut voir par là, c’est qu’il n’y a pas de règle de morale universelle qui prévaut. On parle alors d’un relativisme, car les conditions sociales peuvent varier énormément et dans certaines, pour le bonheur du plus grand nombre, il vaut mieux parfois mentir ou même tuer pour le bien de tous.

« C’est un fait reconnu par tous les moralistes que cette règle même, aussi sacrée qu’elle soit, peut comporter des exceptions : ainsi (…) dans le cas ou, pour préserver quelqu’un (…) d’un grand malheur immérité, il faudrait dissimuler un fait (par exemple une information à un malfaiteur (…) et qu’on ne put le faire qu’en niant le fait »

L’utilitarisme, p .77



Faiblesses de la théorie :

1 : La demande d’impartialité et le problème de la liberté.

Comment la liberté est-elle possible si tout est une question de calcul d’intérêt basé sur la souffrance et le plaisir ? La liberté ne serait-elle pas conditionnée par la souffrance et le plaisir ?

2 : Pouvons-nous juger impartialement des souffrances et plaisirs que représentent nos actions envers autrui ?

Autrement dit, est-il vrai que nous ressentons la souffrance et le plaisir de la même façon? La sensibilité de l’homme ne semble pas être universelle. Des hommes seront plus sensibles à la souffrance des animaux par exemple que d’autres.

3 : Cela nous porte à savoir quelle forme de bonheur devons-nous choisir ?

Loft story est-il un bien pour tous ? Staline avait un projet pour les russes, pour leur bien. Mais cela valait-il pour tous ?

4 : Le problème du conséquentialisme.
Comment prévoir que notre décision apportera forcément le bonheur du plus grand nombre ?

Aujourd’hui, un homme peut vouloir exploiter le pétrole pour aider la communauté. Mais avec la question de l’environnement, ne va-t-il pas lui nuire à la longue ?

5 : L’intention de l’auteur.

Si nous ne jugeons pas l’acte moral en fonction de l’intention, une action mauvaise intentionnellement peut bien servir au bonheur du plus grand nombre ? Est-ce moral ?

6 : Le sacrifice.

Nous devons nous imposer certaines obligations (le bonheur du plus grand nombre). Cela nécessite la liberté. Mais sommes-nous libres de faire ces sacrifices ou sommes-nous conditionnés à les faire ?

Un chien qui sauve son maître peut très bien le faire pour ses besoins égoïstes. Il sait peut-être que si son maître meurt il perdra plusieurs de ses intérêts ?

Nous pensons peut-être au bien des autres de manière égoïste. En ce sens, les jugements impartiaux ne sont pas possibles.


Les forces de la théorie :

La théorie tient compte des autres espèces.

Kant

Éthique
Emmanuel Kant (1724-1804)

Kant établit une révolution en philosophie dans son œuvre « Critique de la raison pure ». Cet ouvrage s’intéresse à la connaissance possible de l’homme. Qu’est-ce que je peux connaître ? et Jusqu’où je peux connaître ? sont les deux questions qui fondent la théorie de la connaissance que Kant y élabore.

De façon simple, Kant détermine les limites de la connaissance humaine et soutient qu’elles sont déterminées par l’activité (la perspective) du sujet connaissant. On parle alors d’un subjectivisme de la connaissance, c’est-à-dire une doctrine qui n’admet d’autre source de vérité que le sujet pensant.

Nous sommes aujourd’hui plus familiers avec cette doctrine. Prenons pour exemple le jugement : le tableau est vert. Nous tenons pour vrai un tel jugement. Il ne suffit que de regarder le tableau pour infirmer les dires. Mais nous savons que cette considération n’est pas vraie du tableau en lui-même. Le vert que nous voyons n’appartient pas au tableau. C’est notre constitution génétique et physiologique qui nous permet de percevoir le vert et non pas une autre couleur. Un daltonien ne verrait peut-être pas le vert dans le tableau, et il ne le verra sans doute jamais. De même, les autres espèces ne voient pas le monde comme nous. La grenouille par exemple ne voit pas en trois dimensions. Notre connaissance est limitée par notre subjectivité. Il y aura un ou des mondes que nous ne pourrons jamais connaître et dont nous ne pouvons que postuler l’existence.

Pour Kant la critique de la raison pure est une critique de la raison par la raison. La Raison est la faculté la plus haute du connaître qui lui permet d’appréhender et d’investiguer ses propres modalités de connaissance.

Or, bien que nous soyons déterminés par nos propres facultés dans la connaissance objective, il y a un domaine où nous ne sommes pas restreints, c’est celui de la raison pratique ou la morale.

Chez Kant, la morale se situe dans le sujet plutôt que dans un quelconque objet extérieur. Cette remarque est importante, car Kant est le philosophe du siècle des lumières et l’un des idéaux de ce siècle est l’autonomie.
Autonomie signifie étymologiquement « se donner sa propre loi ».

La morale doit relever du sujet pensant et autonome et ne plus être le credo du dogmatisme, essentiellement de la religion.

Les actions humaines doivent donc être soumises à la volonté, c’est-à-dire à la liberté de l’homme. Or la liberté est un postulat de la raison, une idée simple « dont la réalité objective ne peut en aucune façon être mise en évidence d’après des lois de la nature ». Et pourquoi en est-il ainsi ?

Il y a deux versants de la réalité humaine.

L’homme fait parti du monde sensible et est soumis, comme tout organisme vivants, aux lois de la nature. Il est déterminé par cette nature. Mais l’homme n’est pas essentiellement un être naturel. Il appartient aussi au monde intelligible, c’est-à-dire aux lois de la raison. Ce qui différencie alors les lois de la nature des lois morales, c’est la liberté. Or, la liberté ne recouvre aucune détermination. On ne peut en démontrer la réalité objective. On ne peut déterminer la liberté, elle n’est pas objectivable, elle n’est pas une chose.

« Comme être raisonnable, faisant par conséquent partie du monde intelligible, l’homme ne peut concevoir la causalité de sa volonté propre que sous l’idée de la liberté ; car l’indépendance à l’égard des causes déterminantes du monde sensible (telle que la raison doit toujours se l’attribuer), c’est la liberté. Or à l’idée de la liberté est indissolublement lié le concept de l’autonomie à celui-ci le principe universel de la moralité, qui idéalement sert de fondement à toutes les actions des êtres raisonnables, de la même façon que la loi de la nature sert de fondement à tous les phénomènes ».

« Fondement de la métaphysique des mœurs », œuvres philosophiques, tome 2, p. 323.

Et qui dit liberté dit responsabilité. La volonté de l’homme est autonome et sa morale le saura tout autant. Elle n’aura plus pour fondement quelque chose d’extérieure à l’homme : par exemple, le plaisir des sens ou la volonté de Dieu qui ne regarde pas sa volonté libre, mais un conditionnement extérieur qui soumet le sujet à des objectifs indépendant de sa volonté.

La législation morale doit donc être entièrement conditionné par le sujet. À la question : Que dois-je faire ? La réponse et l’objectif doivent être donné par le sujet raisonnable, et c’est de là que provient sa dignité. Cela signifie que l’homme n’est pas une chose (puisqu’il est raisonnable) et que jamais nous ne pouvons l’utiliser comme un moyen pour une fin extérieure à lui.

Au plan moral, soutient Kant, toute législation doit être le fruit du sujet. Donc, la seule chose qui peut être absolument bonne, puisqu’il ne peut être question de quelque chose d’extérieure à la raison, c’est une bonne volonté. C’est l’intention de l’agent moral dans l’engagement libre et responsable de sa volonté raisonnable qui doit être jugée comme bonne ou mauvaise.

La raison peut incliner la volonté à se porter vers tel ou tel objet qui soit conforme à ce qu’elle pose comme fin. La question est donc : qu’est-ce que la bonne volonté ? Qu’est-ce qu’une volonté morale ?

Si c’est l’intention du sujet qui compte et que c’est lui seul qui doit légiférer sur l’action à prendre, comment déterminer le sens et la valeur de la morale, de la règle à suivre si elle ne peut provenir de l’extérieur ?

Quelle volonté est bonne et quelle est mal ?

La réponse de Kant est très simple : une volonté qui se détermine par devoir et non pas par intérêt.

L’acte moral doit se situer sur le plan de la recherche d’un bien universel et non d’une satisfaction personnelle. Agir par devoir, c’est agir non pas en prenant en compte ses propres intérêts, mais en voyant à chaque fois ses actes sur un plan universel.

Pourquoi en est-il ainsi ?

Parce que dans la recherche des intérêts personnelles, le bien recherché est conditionné par quelque chose d’extérieure au sujet rationnel. Ne pas agir par intérêt, mais par devoir, c’est-à-dire ne pas donner créance à nos désirs, à nos penchants naturels, Kant parle dans ce cas d’impératif hypothétique.

Dans ce cas, nous faisons une action en fonction (comme condition) d’autre chose. Nous nous donnons une règle de conduite non pas pour le respect de cette règle en elle-même, mais pour autre chose. Notre loi ou notre devoir est alors conditionné par quelque chose d’autre.

Ex : Il faut aider son prochain.

Si je me donne cette loi pour elle-même, nous agissons par devoir. Mais si je me donne cette règle de conduite pour que les autres m’aident en retour, je n’agis pas par devoir, mais par intérêt égoïste. Même si j’espère un simple sourire en retour, je n’agis pas par devoir. Ma maxime n’est pas une fin (finalité) en soi. Je ne la respecte pas en elle-même pour elle-même. Je l’utilise comme un moyen pour mes intérêts. Or, les intérêts sont commandés par les passions (du latin pasio : subir). Je veux que les autres m’aident par peur, par faiblesse, pour être reconnu comme gentil, pour être fier de moi, etc. dans ce cas, la raison, l’action et la personne même deviennent des instruments au service de la passion et de l’intérêt, de quelque chose d’extérieure.

Il ne doit jamais en être ainsi pour Kant.

Lorsque je me demande : que dois-je faire ? Comment dois-je agir ? et qu’il me faut juger moi-même de l’action à suivre tout en faisant en sorte que celle-ci relève d’une bonne volonté et qu’elle ne regarde pas un intérêt égoïste ; je dois alors obéir à l’impératif catégorique.

Il y a trois formulations de l’impératif catégorique chez Kant :

« Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle.»

« Agis comme si la maxime de ton action devrait être érigée par ta volonté en loi universelle de la nature.»

« Agis de telle sorte que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre toujours en même temps comme une fin, et jamais comme un moyen.»

Ces trois formulations indiquent trois règles que l’on peut entendre ainsi :
Règle d’universalisation : Ton action doit s’appuyer sur un principe que tu peux vouloir rendre universel.

Règle de naturalisation : Tu dois agir comme si le principe de ton action devait devenir, par ta volonté, une loi de la nature.

Ces deux premières règles indiquent qu’il ne peut y avoir d’exception à la règle. Il faut agir de sorte qu’elle s’impose en tout temps = inconditionnel

Principe pratique suprême : Tu dois agir de manière à respecter l’humanité en toi et chez les autres en ne la traitant pas seulement comme un moyen, mais surtout comme un fin.

Cette dernière règle indique que tout être raisonnable possédant une volonté autonome est une fin en soi. L’autre être raisonnable n’est pas seulement un objet matériel, un agrégat de matière, mais un esprit libre et autonome semblable au mien. Il mérite le respect.

Faiblesses de la théorie kantienne :

1 : L’impératif catégorique regarde les êtres rationnels. Il s’agit de ne jamais les prendre pour des moyens. Mais lorsqu’il s’agit de la nature, de l’environnement ou des autres espèces que devons-nous faire ? L’impératif kantien nous permet de traiter ces êtres comme des moyens et de n’y reconnaître aucune dignité. Est-ce exact ?

2 : Le seul élément qui soit absolu, c’est la bonne volonté et c’est tout. Dès que l’on retire la pureté des intentions, il n’est jamais sûr que nous ayons vraiment affaire à une volonté morale. Tout chez Kant ne regarde que l’intention de l’agent moral. Mais comment juger de la valeur de son action. Qui nous dit qu’il ne ment pas et qu’il n’agit pas par intérêt ? Il est donc possible que le devoir, vu sous cet angle, soit au fond un idéal impossible à l’homme, tandis qu’il est pour Dieu tout à fait superflu, puisque Dieu, par définition, est une volonté sainte. Kant ne cache pas d’ailleurs ses doutes sur les capacités humaines. Il n’est pas sûr, explique-t-il, qu’il n’y ait jamais eu d’actes vraiment moraux. Peut-être que ceux-là mêmes que l’on présente en modèles, les grands hommes, n’ont fait le bien que par intérêt. De toute manière, cela reste invérifiable, car une intention est invisible. Une intention n'est même pas mesurable par ses effets. « Il est absolument impossible de déterminer par expérience, avec une certitude absolue, un seul cas où la maxime d’une action conforme au devoir ait exclusivement reposés sur des fondements moraux ».

3 : Autre problème, Kant ne tient pas compte de la sensibilité humaine.

Est-il vraiment possible d’être désintéressé ? De ne jamais faire intervenir quelques intérêts que ce soit ?

La moralité kantienne s’inscrit dans un dualisme de la nature humaine. Elle regarde la raison et s’impose à l’encontre des passions. Plusieurs y voient un reste de chrétienté. Kant nous dit d’ailleurs qu’il faut postuler l’existence de Dieu, du Bien suprême, et de l’immortalité de l’âme pour que l’impératif catégorique ne sombre pas dans l’absurde. Son impératif agit alors comme une humiliation de la nature humaine, comme un ascétisme morbide. La domination d’un intellect froid et formel qui ne tient compte des sentiments ni de soi ni d’autrui.

Forces de la théorie :

1 : Bien sûr, l’homme est digne et libre. Jamais nous ne pouvons utiliser les autres comme des moyens pour notre bien personnel : richesse, estime, pour un idéologie politique, etc.

2 : Kant rend l’homme responsable de ces actes et fait reposer sur lui l’entièreté de cette responsabilité. Jamais notre action ne peut dépendre de quoi que soit d’autre que de notre volonté libre.

Éthique introduction

Éthique : Introduction

L’éthique constitue une discipline particulière de la philosophie.
Elle se consacre à l’étude de la morale.
Éthique = êthos (grec) et morale = mores (latin) : Ils signifient tous deux : moeurs

La morale signifie un ensemble de principes et de règles qui régissent la vie d’un individu ou d’un groupe.
Ces principes dictent ce qui est Bien et Mal pour la communauté; ce qui est bien ou non de faire; ce qui est approuvé ou méprisé dans la conduite humaine.

Ex : Tu ne tueras point

La morale relève donc de l’agir humain, de ce qui doit être fait ou ce qui est nécessaire pour atteindre ce qui est bien. Il y est question d’idéal, d’un bien (d’un monde) auquel nous tendons.

NB : Il ne faut pas porter préjudice au terme « bien ». Il renvoie, selon les époques, à différentes déterminations et principes. (Voir un peu plus bas)

Ce qui est bien pour un peuple ou pour une époque ne l’est pas forcément pour tous et pour toujours. Ex : La condition de la femme.

Les principes moraux sont englobants, c’est-à-dire qu’il ne s’applique pas à des situations particulières exclusivement, mais à toute situation.
Ex : Tu ne tueras point (pas ici ou là, mais toujours).

Très souvent, les principes moraux prennent la forme affirmative d’un « tu dois » ou négative d’un « tu ne dois pas » et s’organisent autour de deux concepts fondamentaux : la liberté et la responsabilité.
NB : Bien que ces deux termes n’aient pas de définition absolue, elles seront essentielles pour la suite de ce cours et recouvriront 2 définitions « conventionnelles » :


La liberté : La possibilité pour l’individu de choisir et de rejeter des principes moraux.
La responsabilité : Le fait pour l’individu d’assumer ses choix ainsi que les conséquences qui résultent de ses décisions (prisent librement) et de ses actions.

NB : Plusieurs philosophes ne croient pas à la liberté et la responsabilité totale de l’homme, au libre choix volontaire. En un tel cas, la morale ne relève pas de la conscience ou de la raison humaine, mais de forces inconscientes ou infraconscientes qui nous « poussent » à l’action. Ces forces recouvrent les changements économiques, écologiques, etc, et interpellent bien souvent notre sensibilité à la souffrance, nos instincts et notre animalité. En de tels cas, la raison est secondaire par rapport au corps et la « liberté » et la « responsabilité » n’apparaissent que comme des instruments de ce dernier. Ex : Freud et la psychanalyse, Nietzsche, le structuralisme, Marx et les forces productives, Skinner et le béhaviorisme, le darwinisme, mais aussi les conceptions génétiques, bref, toutes conceptions déterministes.

On retrouve toujours, de façon plus ou moins directe, une conception du bien sous-jacente à la morale. Ce bien est qualifié comme premier (Souverain Bien). Tous les autres biens le présupposent. Le Bien peut donc être compris comme le sommet hiérarchique vers lequel tendent les autres biens. Il est généralement plus abstrait que les autres. Il tient lieu de principe premier et générale qui oriente la marche à suivre pour l’action.

Comme mentionné, ce Bien n’est pas absolu. Les conceptions morales du bien peuvent être très différentes les unes des autres. Il n’y a jamais eu une conception du Bien qui ait rallié la totalité des êtres humains, mais toutes ont en commun le fait de considérer leur Bien comme le plus important.

Ex : Chez Aristote, le bien moral suprême est le bonheur
Chez Kant, c’est le devoir
Or, ce pourrait être le plaisir, la volonté de Dieu, l’utilité, la puissance, etc.

La paix dans le monde est un Bien premier
Il faut être respectueux= bien secondaire
Il faut être pacifique = bien secondaire

Or, on peut s’entendre sur la maxime première (la paix dans le monde) mais être en désaccord avec celles secondaires.
Dans ce cas, au lieu de dire : il faut être pacifique (par exemple : Gandhi), nous pourrions dire qu’il faut faire œuvre de violence pour parvenir à la paix (par exemple : Bush).

Mais aussi, les conceptions morales peuvent être fortement en opposition jusque dans leur principe premier.
On peut ne pas vouloir la paix dans le monde ou l’égalité entre les hommes.

Il y a donc plusieurs morales puisqu’on retrouve plusieurs biens et plusieurs conceptions de l’existence. Les milieux culturels ou s’incarnent les morales recouvrent des traditions, des coutumes, des enracinements géographiques et historiques différents. Il ne faut pas omettre ce point. Cependant, cela ne justifie en rien qu’il faille tomber dans un relativisme des valeurs.

Ex : Tout s’équivaut, rien ne vaut.
À chacun son avis
Tout est relatif.

Cette tendance est très forte à notre époque, mais comme nous le verrons, l’homme, tout au long de sa vie, est placé devant plusieurs problèmes éthiques où il doit faire un choix qui implique des valeurs. Autrement dit, il faut choisir ce qui vaut le plus, ce qui conduit davantage à la réalisation de notre Bien premier, de ce qui doit être. Dans ces cas, et ils sont nombreux, les visions et conceptions du monde et surtout les valeurs en jeux interpellent la philosophie éthique. C’est justement parce qu’il y a constamment conflit de valeurs entre les hommes et que nous sommes confrontés à de nouveaux défis qu’il nous faut réfléchir et nous questionner sur ce qui doit être, sur ce que nous devons faire et sur ce qui, pour nous, vaut le plus. C’est précisément parce que rien ne va de soi dans l’agissement des hommes et parce que nous n’avons pas de réponses toute faites qui nous disent quoi faire et comment le faire que la réflexion philosophique est nécessaire. Voilà l’enjeu de l’éthique.

La présupposition :

Très souvent, la morale se passe de réflexion. Nous jugeons de ceci ou cela sans porter à la réflexion la conception du bien qui sous-tend nos jugements. Ce dernier est hérité d’une tradition et est intériorisé par l’acteur moral. Il s’agit d’un pré-jugé (ce qui est déjà avant d’être réfléchie; ce terme n’est pas péjoratif). Des valeurs vont de soi et ne font pas de problème. Cependant, certaines expériences nous amènent à interroger ce que, jusque là, nous n’avions jamais osé et pu remettre en question. Il nous faut alors réfléchir sur les principes et maximes qui guident normalement notre vie morale. Cette réflexion est l’éthique.

Ex : Une maxime universelle et un désir particulier.
Ex : Ne pas mentir et l’amitié sont en contradiction dans la situation où la femme d’un ami vient vous voir parce qu’elle soupçonne qu’il l’a trompe alors que vous savez qu’effectivement il est infidèle. (Que faire ?)
Ex : le type qui joue tout sans le dire à sa femme et qui risque de tout perdre.
Les différents types de jugements :

Un jugement est un énoncé qui affirme ou nie la relation entre un sujet et quelque chose qu’on dit de lui.
Ex : Tous les hommes sont égoïstes.

2 types de jugements :

Jugement de fait :
Il exprime un certain état de choses. Il présente un énoncé dont la vérité est susceptible d’être établie à l’aide d’une simple observation ou d’une confrontation avec l’expérience sensible. Ils sont vérifiables ou contestables.

Ex : La terre est ronde.
Ex : Michel mange du chocolat.

Quelquefois, ils ne réfèrent pas à l’expérience sensible.
Ex : 2+2 = 4

Jugement de valeur :
Il exprime ce qui doit être, ce qui mérite d’être, ce qui répond ou satisfait à une exigence d’être ou le contraire. Il décrit un état de chose idéal ou un objectif à atteindre.

Ex : Il ne faut pas faire œuvre de violence.
Il faut aimer son prochain.

Mais la particularité de ce jugement est qu’il prétend être universelle et valable pour tous.

Ex : Tous les hommes doivent être considérés comme étant dignes et libres.

La valeur : C’est la chose où la qualité qui est estimé comme devant être ou ne pas être dans un jugement.

Exemple de valeurs :
La paix
La dignité
L’égalité
La liberté
La sécurité
La santé
La prospérité
La fidélité
La vérité
La légalité
La richesse
L’environnement
Le plaisir
Droit des animaux
L’originalité
Le progrès
La puissance
La justice
La diversité
Le savoir
L’entraide
La technologie (dév)
L’économie (le profit)
L’autonomie